Homélie de la messe chrismale 2019

Je remercie tous ceux qui ont pu se libérer pour célébrer la messe chrismale, en l’église Saint-Julien en Ath, le mardi 16 avril 2019, à 18h.

En voici l’homélie.

Des « attaques » contre l’Eglise catholique ?

Depuis quelques semaines, les médias présentent un jugement assez sévère sur l’Eglise catholique. Ce phénomène n’est pas nouveau. Dans les années 1960, on attaquait l’Eglise catholique en raison de ses richesses. C’était surtout le Vatican qui était visé. Dans les années 1990, en Belgique, on reprochait à l’Eglise catholique ses positions rétrogrades sur l’avortement. Dans les années 2000, les mêmes reproches sont émis à propos de l’euthanasie et du mariage entre personnes de même orientation sexuelle. De plus en plus de voix s’élèvent pour contester à l’Eglise catholique d’avoir une influence dans la société. Supprimer la législation sur le financement des cultes serait un progrès pour tout le monde. On propose des étapes pour y arriver : d’abord supprimer les cours de religion dans le système éducatif ; ensuite fermer les lieux de culte qui n’ont plus de liturgie eucharistique chaque dimanche ; enfin ne plus tenir compte des fêtes religieuses pour élaborer le rythme scolaire, le calendrier des vacances.

La démission de l’évêque de Bruges en 2010 a mis en lumière l’ampleur des abus sexuels sur mineurs perpétrés par des prêtres et des religieux catholiques. Elle a aussi montré l’attitude passive des responsables de l’Eglise face à ces abus, lorsqu’ils étaient connus. Cette fois, le jugement des médias se fait plus sévère. Non seulement l’Eglise catholique n’a plus rien à revendiquer comme statut dans la société, mais, de plus, elle a une influence nuisible dans la société.

Et revient le leitmotiv de l’idéologie agnostique : non seulement la foi doit devenir une affaire privée, sans aucune expression publique (lieux de culte, cours de religion, etc.), mais la foi, dans certains cas, doit être éliminée en raison des conséquences désastreuses de certains de ses adeptes sur les enfants et les jeunes.

Devant pareil réquisitoire, nous pouvons essayer de réagir par divers moyens. Ce n’est pas dans une homélie que cet exercice est possible.

Un chemin de foi, à partir de trois convictions

Je vous invite chacun, chacune, à regarder notre chemin de foi, à partir de trois convictions.

La première : le Christ est l’unique Sauveur du monde.

De quoi sommes-nous sauvés ? Du mal, du péché, de la mort. Nous vivons dans une société qui est blessée par le mal. Nous vivons dans une société qui, à certains moments, fait le mal. Nous sommes personnellement blessés par le mal. Nous aussi, à certains moments, nous faisons le mal.

Deux éléments sont ici à prendre en compte. D’abord la recherche de la vérité. Une société qui ne cherche pas la vérité ou qui occulte la vérité s’enfonce dans le mensonge. Au XXe siècle, des sociétés qui pratiquaient le mensonge se sont écroulées. Aujourd’hui encore, refuser de voir ce qui est vrai, ce qui est réel, c’est devenir, à court ou à long terme, inhumain, opposé au respect de la dignité de l’être humain.

L’autre élément, c’est la recherche du bien, du bonheur. Une société qui ne cherche pas le bien de tous, le bien de chacun de ses membres, disparaît à court ou à long terme. Aujourd’hui, on préfère décrire le bien, le bonheur, en parlant de valeurs. Comme chrétiens, nous savons bien que beaucoup de valeurs qui sont mises en avant ont une source qui est Dieu lui-même. Le Cardinal Danneels disait régulièrement : une valeur qui est déconnectée de Dieu devient folle et, à la longue, devient une idole qui nous enferme, nous paralyse, nous rend esclave. Des valeurs sont, avec le temps, devenues des poisons.

Autre conviction : nous avons à discerner à partir de la raison, de l’intelligence et du cœur.

Quand nous avons l’impression que nous sommes injustement attaqués, essayons de décrypter le discours officiel de ceux qui nous font des reproches. En quoi consiste le discours officiel. Un dogme : nous vivons en démocratie, qui n’a pas à envisager une loi qui viendrait d’un dieu, un concept vide. Dans cette démocratie, une pratique, une morale, une éthique : le respect des droits humains. Dans cette démocratie, une justice équitable pour tous les citoyens. Il n’y a pas de privilèges. Parmi les droits, une grande importance est accordée à la liberté d’expression. Cependant, en raison des lois en vigueur, sont condamnés immédiatement l’antisémitisme, le racisme, la diffamation, etc.

Pour moi, il n’est pas question de dire du mal de la démocratie, des droits humains, de la justice équitable, de la liberté d’expression. Nous avons la chance de vivre dans un Etat de droit, qui fait respecter beaucoup de libertés, qui sont comme des facettes de la dignité de l’être humain.

A partir du moment où, dans la présentation de la démocratie, on veut éliminer la référence à Dieu, une conviction religieuse et même, dans certains cas, la liberté de conscience, il y a quelque chose qui ne va pas. Dans ce qui est reproché à l’Eglise catholique, osons décrypter le discours des médias et des autres institutions.

Dernière conviction : nous avons à discerner à partir de la foi, de la Parole de Dieu, de Dieu lui-même.

Prendre le temps de chercher Dieu, d’écouter le Christ, d’accueillir le don de l’Esprit Saint est une démarche qui a ses exigences. Nous essayons de le faire personnellement, individuellement. Nous essayons de le faire aussi en Eglise, comme membres du Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l’Esprit. Nous savons que, jusqu’au terme de notre parcours ici-bas, nous ressentirons le besoin d’être initiés par l’Eglise : comme une Mère, elle nous engendre à la foi, à la vie d’enfant de Dieu ; grâce à l’Eglise, nous célébrons les sacrements qui nous transforment au plus profond ; grâce à l’Eglise, nous découvrons la vie selon l’Evangile, la morale ; grâce à l’Eglise, nous découvrons la prière, la vie spirituelle.

Dans ce qui est reproché à l’Eglise, suis-je invité à me convertir ? De quoi suis-je invité à témoigner ? Où Satan met-il le mensonge, la division, la haine, la vengeance ? Où sont la miséricorde de Dieu, le pardon, le relèvement ?

Après avoir évoqué notre chemin de foi, je voudrais parler de l’avenir avec confiance.

Dieu fait une promesse à Abraham. Nous connaissons l’accomplissement progressif de cette promesse à travers la Pâque des Hébreux au temps de Moïse, à travers l’expérience de l’Exil à Babylone et du retour de l’Exil. La venue du Fils de Dieu en ce monde, qui devient être humain, chair de notre chair, fait découvrir la promesse d’une manière tout à fait inédite. Qui aurait pu penser cela ?

C’est dans la Pâque de Jésus que la promesse s’accomplit. Ici encore, tout était insoupçonné : il fallait que le Messie souffrît pour entrer dans la gloire.

Le temps de l’Eglise, la vie des multiples assemblées de disciples du Christ le dimanche, la vie des chrétiens dispersés au milieu des nations, donnent une dimension complètement différente de l’accomplissement de la promesse.

C’est là, à l’assemblée du dimanche, que retentit la Parole de Dieu ; c’est là que nous voyons comment elle s’accomplit ; c’est là que nous pouvons dire, en le croyant réellement : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. En faisant le va-et-vient entre notre vie au jour le jour et l’assemblée du dimanche, nous contemplons la manière dont la Parole de Dieu s’accomplit.

Regardons encore plus loin dans le temps, dans l’espace : nous sommes le Corps du Christ, dont le Seigneur Ressuscité est la Tête

La Tête est au ciel. Nous sommes un Corps dont beaucoup de membres sont au ciel. Nous sommes un Corps dont beaucoup de membres souffrent. Nous sommes un Corps qui manifeste le Christ sur la terre.

Tous les membres du Corps sont importants. Tous, ils reçoivent la vie du Christ. Tous, ils partagent la vie du Christ avec leurs frères humains. Tous, ils se mettent au service de leurs frères humains. Tous, ils veillent sur le cosmos, la création, l’environnement dans lequel ils reçoivent la vie et engendrent à la vie.

Parmi nos frères et sœurs humains, beaucoup sont pauvres, captifs, aveugles, opprimés comme au temps d’Isaïe, au temps de Jésus. Avec les pauvres, nous partageons ; nous nous mettons à leur service ; nous leur témoignons d’un salut que le Christ donne à chacun, le Christ qui, élevé en gloire, attire à lui tous les êtres humains.

Dans ce Corps, le Seigneur appelle des prêtres. Ils vont renouveler aujourd’hui leurs promesses sacerdotales.

Dans ce Corps, le Seigneur appelle des diacres.

C’est durant la célébration du Concile Vatican II que Mgr Charles-Marie Himmer, en communion avec les autres évêques belges, a décidé de restaurer le diaconat comme un ministère exercé de manière permanente. La première ordination a eu lieu en 1969 à La Louvière.

Le ministère des diacres permanents a, jusqu’à présent, beaucoup évolué. Au départ, on insistait sur le service manifesté par l’activité professionnelle. Ensuite, on a mis en avant le service des pauvres, avec une grande réserve à l’égard de la liturgie. Maintenant, on parle du service, qui est défini par une lettre de mission de l’évêque.

La redécouverte de la liturgie qui initie à la foi « par elle-même » va sans doute permettre d’approfondir notre manière de vivre le témoignage du Ressuscité ainsi que le ministère ecclésial.

Au lendemain de Vatican II, la tendance était d’expliquer les rites de la liturgie, de faire des introductions aux textes bibliques. Aujourd’hui, nous savons que la liturgie bien célébrée n’a pas besoin d’explications, de commentaires, d’introductions plus longues que les textes proclamés.

De plus, le catéchuménat des adultes est passé d’un secteur annexe de la mission pastorale de l’Eglise à un autre statut : il devient modèle de l’initiation chrétienne sacramentelle de tous ceux qui demandent à devenir chrétiens. Ce qui était une annexe – accueillir des adultes – devient un modèle pour tous.

Ceci entraînera des évolutions dans la compréhension de la mission de l’Eglise et du ministère ecclésial tant chez les diacres que chez les prêtres. Les fidèles laïcs verront, eux aussi, comment situer leur témoignage. Les membres de la vie consacrée pourront revisiter des aspects de leur vie.

Baptisés dans l’eau et dans l’Esprit,
Nous renaissons créature nouvelle !
Plongés dans la mort avec Jésus,
Nous sommes les enfants du Père.

+ Guy Harpigny,
Evêque de Tournai

 

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