Une journée sur le sens de la sanction, entre justice et pardon
Neuvième édition de la « Journée du sens », destinée aux équipes de direction des écoles secondaires du réseau libre de notre diocèse. Et baptême du feu pour Bernard Ghislain, qui a repris il y a près d'un an le flambeau de Michel Desmarets à la tête de l'Équipe diocésaine de pastorale scolaire du secondaire et qui pour la première fois supervisait l'organisation de cette journée.
C'est la superbe Orangerie de l'institut Gosselies Providence Humanités (GPH) qui accueillait ce jeudi 14 mars 2019 la 9e « Journée du sens ». Cette journée se veut chaque année un moment de pause, de réflexion et de convivialité pour des équipes de direction aux agendas souvent surchargés. Plus de cinquante participants avaient ainsi bravé une météo exécrable pour rallier Gosselies et répondre à l'invitation du Service diocésain de l'enseignement secondaire et supérieur (SeDESS) et de l'équipe de la pastorale scolaire du secondaire.
La gestion des conflits et des comportements violents de certains élèves fait partie du quotidien des établissements scolaires. « Il est naturel pour des adolescents de tester les adultes, avant peut-être de leur faire confiance », indique Bernard Ghislain en guise d'introduction. « Les transgressions sont des tentatives maladroites d'exprimer des besoins. » Alors parfois, il faut recadrer, poser des limites, sanctionner. Mais la punition doit être avant tout un chemin de réinsertion, elle ne doit pas être une fin en soi.
Justice ou pardon ? Justice et pardon ?
Pour réfléchir à cette notion de sanction, les organisateurs ont choisi d'opérer un parallèle éclairant avec le monde de la justice et de la prison. Pour cela, ils ont fait appel à Me Thierry Moreau, avocat au Barreau du Brabant wallon, et au père Philippe Landenne, jésuite et aumônier de prison pendant 30 ans.
Des personnes exclues, des vies cabossées, tous deux en ont rencontré par dizaines. La prison n'impacte pas que les détenus mais aussi les conjoints, les enfants, les amis. « La justice peut se montrer impitoyable, sans aucune bienveillance. Comme avocat, j'essaie d'éviter la casse », explique Me Moreau. Rendu célèbre par son rôle de défenseur de Michelle Martin, Thierry Moreau avait été frappé par la lettre de la communauté des Clarisses qui a accueilli l'ex-femme de Marc Dutroux lors de sa libération conditionnelle, malgré l'hostilité d'une partie de l'opinion publique : « Les sœurs m'ont demandé de lire cette lettre aux médias ; elles disaient qu'on ne peut enfermer quelqu'un à vie dans son passé, dans ses erreurs, que chacun est capable du pire comme du meilleur et qu'elles souhaitaient tabler sur le meilleur ».
Notre système judiciaire est également source de questions pour l'aumônier Philippe Landenne. « Qui peut établir une vraie tarification pénale ? Qui pense qu'une punition va soulager la victime ? » C'est lors d'un long séjour au Canada que le père Landenne découvre la justice réparatrice, ou plutôt « restauratrice ». « On ne peut pas réparer l'irréparable, tout ne peut être réparé, le terme peut même sembler provocateur pour les victimes », reconnaît l'aumônier. « Mais on peut mettre de la vie là où on pense que ce n'est plus possible, recréer du lien pour 'revivre' ensemble. » Une vision que partage son ami Thierry Moreau : « La justice restauratrice est beaucoup plus porteuse de sens car elle se construit à partir du lien et non du crime. Auteur et victime se rencontrent, se parlent. Et à chaque fois, il se passe quelque chose. »
Et à l'école ?
Océane, Thrystan, Guillaume et Patrice sont venus de l'IMCE d'Erquelinnes. Avec une enseignante et deux éducateurs, ils témoignent d'une initiative mise sur pied depuis maintenant une dizaine d'années dans cette école d'enseignement spécialisé : le conseil de citoyenneté. Composé de trois délégués de classe et de trois adultes de l'établissement, le conseil se réunit une fois par semaine et examine la situation des jeunes qui n'auraient pas respecté l'une des trois règles votées par les élèves. Tout se passe dans le dialogue et la démarche est axée sur la réparation plutôt que sur la sanction. « Avant il y avait pas mal de bagarres, de tensions et ce n'est pas un bon climat pour apprendre », estime Thrystan. « Le respect entre élèves et vis-à-vis des profs, c'est vraiment important. »
Ce conseil a pour buts d'apprendre aux jeunes à avoir confiance en la justice, d'accepter les conséquences de leurs actes, de prendre conscience de leurs droits mais aussi de leurs devoirs. Une initiative parmi d'autres qui montre qu'en milieu scolaire aussi, on peut réfléchir, débattre et faire évoluer ensemble la notion de justice.
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Créé parDiocese de Tournai